Quelques précisions du Monde.fr:
Parution du 11/01/2008 :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 889,0.html
Le secret avait été bien gardé. Mardi 8 janvier, au moment où Nicolas Sarkozy annonçait la suppression de la publicité sur télévision publique, aucun des ministres concernés par cette "révolution" n'avait été mis dans la confidence et encore moins les dirigeants de France Télévisions.
"Cela a été une vraie surprise", confie un membre du cabinet de Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. "Jusqu'à ces derniers jours, cette hypothèse n'était qu'une piste parmi d'autres", poursuit-on du côté du ministère des finances. A la présidence de France Télévisions, on avoue être "tombé des nues" même si "on sentait bien qu'il y avait quelque chose dans les tuyaux, mais pas de cette importance-là".
L'annonce de M. Sarkozy a même semé le trouble à la direction du développement des médias (DDM), organisme dépendant de Matignon où, ce même matin, sa directrice Laurence Franceschini avait convoqué les dirigeants des radios privées (RTL, RMC, NRJ et les indépendants) pour leur expliquer le projet du gouvernement... d'ouvrir plus largement les antennes de Radio France à la publicité ! Alertée par une secrétaire des déclarations de M. Sarkozy, Mme Franceschini a dû annuler en plein milieu cette réunion en reconnaissant que les propos du président de la République "posaient un problème par rapport au projet pour Radio France"...
Jean-Paul Cluzel, président de la radio publique, a d'ailleurs radicalement rectifié son discours. "La réforme souhaitée par le président de la République ne concerne pas au premier chef Radio-France. Mais nous pouvons en bénéficier. Nous ne pourrons que nous réjouir, si, à l'avenir, nous dépendons encore moins de la publicité", a t-il déclaré, jeudi 10 janvier, lors de la présentation de ses voeux aux salariés.
UN COMITÉ DE GROUPE VENDREDI
Mise au point par les conseillers économiques de M. Sarkozy, cette "révolution audiovisuelle" a été décidée en tout petit comité. Même Georges-Marc Benamou, conseiller pour l'audiovisuel du président, n'était pas dans la confidence. "C'est une réflexion que le président a mûrie au fil de ces derniers mois après des rencontres avec quelques professionnels de l'audiovisuel", explique un producteur qui a toujours plaidé pour cette décision. "C'est une vieille revendication datant de 1981, au moment de l'élection de François Mitterrand qui n'a jamais voulu trancher le débat. Sarkozy l'a fait", poursuit-il.
Mercredi 9 décembre, c'était "la gueule de bois" à France Télévisions. Personnels inquiets, dont les 300 salariés de la régie publicitaire, syndicats sur le pied de guerre, journalistes abasourdis. Patrick de Carolis, PDG de la holding, qui estimait, mardi, que la décision présidentielle offrait "une clarification du mode de fonctionnement" du service public, a reçu plusieurs syndicats de l'entreprise pour tenter de les rassurer. Mercredi matin, il a eu un entretien avec Mme Albanel afin de commencer à fixer un calendrier précis pour cette réforme. Vendredi, il doit présider un comité de groupe et recevoir les sociétés de journalistes de France 2 et France 3.
"Il faut que les pouvoirs publics sortent du brouillard le plus rapidement possible", souligne Patrice Duhamel, directeur général de France Télévisions, qui souhaite être rapidement informé sur l'ampleur financière de la compensation, sur le futur financement du service public et sur son périmètre qui, selon lui, doit être "sécurisé". "Nous allons réaffirmer notre stratégie éditoriale car il n'est pas question de faire un "super Arte"", prévient-il. En attendant des précisions, la Société des journalistes (SDJ) de France 2 a appelé le personnel à une assemblée générale jeudi "pour définir une position commune". La SDJ estime que "ce qui était prévisible depuis des mois devient clair aujourd'hui. Nous voulions plus de moyens, plus de recettes publicitaires pour financer nos efforts. (...) Nous n'avons finalement droit qu'à la disparition pure et simple d'une grande partie de notre financement".
Avec l'annonce de M. Sarkozy, le spectre de la privatisation d'une chaîne publique est revenu en force. "La réduction du périmètre du service public n'est pas à l'ordre du jour", a toutefois déclaré Mme Albanel, mercredi 9 janvier sur Europe 1. La ministre, qui n'est pas favorable à une augmentation de la redevance, a rappelé les pistes évoquées par le président de la République comme la taxation des recettes publicitaires des chaînes privées et une taxation des fournisseurs d'accès à Internet et de la téléphonie mobile. De son côté, le porte-parole du gouvernement, Laurent Wauquiez, a expliqué que le but du gouvernement "était de donner un vrai sens au service public en France et dans le paysage audiovisuel".
Guy Dutheil, Laurence Girard et Daniel Psenny
Parution du 12/01/2008 :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 317,0.html
"C'est une décision très forte... et j'espère définitive." Invitée, jeudi 10 janvier, du "20 heures" de France 2, Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a confirmé, timidement, l'annonce de Nicolas Sarkozy sur la suppression de la publicité sur France Télévisions. Selon la ministre, un projet de loi pourrait être déposé "après les élections municipales" et "voté avant l'été". Elle a réaffirmé que les 800 millions d'euros de manque à gagner pour la télévision publique seraient intégralement compensés "de manière dynamique sur un système de taxation qui augmentera", le but étant que France Télévisions ait "les moyens de ses ambitions".
Pourtant, pour le moment, Mme Albanel admet ne pas avoir "d'idée" sur le montant de la taxe qui sera appliquée sur les recettes publicitaires des chaînes privées et les opérateurs de téléphonie mobile qui bénéficieront mécaniquement de ce transfert du marché publicitaire. Mme Albanel a toutefois tenté de rassurer les personnels de France Télévisions en affirmant qu'il n'y aurait pas de changement de périmètre pour le groupe public (qui réunit France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô).
Une assurance que Patrick de Carolis, PDG de la holding, avait reçue quelques heures plus tôt du premier ministre François Fillon. Ce dernier lui a confirmé que France Télévisions conserverait "la totalité de son périmètre actuel" et que la compensation d'un éventuel abandon de la publicité serait "intégrale". Dans l'après-midi, M. de Carolis, accompagné de Patrice Duhamel, directeur général de France Télévisions, l'a annoncé aux personnels de France 2 réunis en assemblée générale à l'appel de la Société des journalistes (SDJ) de la chaîne.
Près de 400 personnes, dont de nombreux cadres de la rédaction, ont exprimé leurs inquiétudes face aux projets gouvernementaux. Quelles seront les garanties financières ? Quelles sont les ambitions pour les programmes ? Quel avenir pour les chaînes ? Selon Nicolas Chateauneuf, président de la SDJ, de nombreux journalistes ont souhaité qu'une explication soit donnée aux téléspectateurs.
"QUANTITÉ NÉGLIGEABLE"
L'inquiétude est aussi particulièrement vive au sein de la régie publicitaire de France Télévisions. Les 300 collaborateurs de cette entité, qui ont appris la nouvelle de la suppression de leur activité en regardant la conférence de presse du chef de l'Etat à la télévision, mardi, sont sous le choc. " Dans tous les bureaux, l'impression d'être une quantité négligeable... qui pèse tout de même quelque 800 millions d'euros !", écrit Dominique Salvi, déléguée syndicale USNA-CFTC dans un communiqué publié jeudi. Le syndicat demande " un engagement de la présidence sur le reclassement prioritaire des personnels de la régie au sein du groupe, le calendrier et les conditions d'accompagnement", en préambule du comité de groupe du 11 janvier. M. de Carolis s'est engagé, dans un message qu'il a adressé aux salariés de la régie, à les rencontrer personnellement.
Avant même les négociations entre France Télévisions et son principal actionnaire, l'Etat, le secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, a jugé qu'il y avait "peut-être un peu beaucoup" de chaînes dans l'audiovisuel public et a suggéré la possibilité de faire des "regroupements" et "quelques privatisations" pour conserver "un grand service public, original et de qualité". Stéphane Le Foll, directeur de cabinet de François Hollande, a vu dans les propos de M. Devedjian la preuve que Nicolas Sarkozy et la majorité préparaient "la privatisation du secteur public de l'audiovisuel".
Laurence Girard et Daniel Psenny
Bye.