Droit et Copie Privée
Droit et Copie Privée
voilà de quoi alimenter une discussion entamée un soir d'été, en terrasse, un Martini Gin à la main en ce qui me concerne...
Le Tribunal de grande instance de Paris a validé, le 30 avril 2004, la présence d'une mesure technique de protection sur un DVD en limitant les possibilités de copie.
Le "droit" à la copie privée a, semble-t-il, vécu. Dans sa décision du 30 avril 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a en effet pour la première fois clairement validé les systèmes de protection anti-copie. Une mesure technique de protection peut donc valablement limiter les possibilités pour les acheteurs de produits équipés de celle-ci d'en réaliser des copies.
En l'espèce, un particulier s'était procuré le DVD du film de David Lynch, "Mulholland Drive" contenant une mesure de protection anti-copie bien que la jaquette du DVD ne le mentionnait pas. N'ayant pu réaliser une telle copie, il a donc assigné en justice, accompagné de l'association de défense des consommateurs UFC - Que Choisir, les sociétés Films Alain Sarde, Universal Pictures Video France et Studio Canal pour atteinte aux dispositions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Selon les demandeurs, cet article instituerait au profit de l'acquéreur d'une œuvre enregistrée un "droit à en faire une copie privée". Ils reprochaient également aux défendeurs le défaut d'information sur la présence du dispositif anti-copie.
Pour mémoire, l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce que "lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective".
S'agissant de ce qu'il qualifie "d'exception précisément circonscrite", le tribunal a rappelé que l’exercice de cette faculté de copie privée ne doit "pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de I’auteur". Il s'est appuyé à cet égard sur le fameux « test des trois étapes » qui ressort des dispositions de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (article 9-2), de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) du 15 avril 1994 (article 13), du Traité de I’OMPI sur le droit d’auteur du 20 décembre 1996 et de la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dite "directive Société de l'Information" (article 5 et 6) en cours de transposition dans notre droit interne.
Jusque là, les actions intentées par les associations de défense des consommateurs contre les maisons de disque sur la question des mesures techniques de protection n'avaient jamais conduit les tribunaux à se prononcer sur la validité de ces mesures. Ainsi, dans 2 décisions antérieures en date du 24 juin 2003 [Juriscom.net] (affaire relative au CD de l'album de Liane Foly "Au fur et à mesure") et du 2 septembre 2003 [Jurisom.net] (affaire relative au CD de l'album d’Alain Souchon "J’veux du Live"), le Tribunal de grande instance de Nanterre avait condamné les sociétés éditrices des CD protégés pour défaut d'information et pour vices cachés. Bien que les CD indiquaient la présence d'un dispositif technique limitant les possibilités de copie, aucune mention n'avertissait le consommateur sur les limitations éventuelles de lecture qu'elles pouvaient engendrer.
Sur la question du défaut d'information qui était une nouvelle fois soulevée par l'acquéreur d'un produit protégé, le tribunal a jugé que "si une information précise du consommateur sur l’impossibilité de réaliser une copie privée du DVD litigieux aurait pu figurer sur la jaquette de celui-ci, il demeure que ne constitue pas une caractéristique essentielle d’un tel produit la possibilité de le reproduire alors surtout qu’il ne peut bénéficier de l’exception de copie privée".
Ainsi, au regard de ces différentes décisions, il apparaît que les mesures techniques de protection limitant les possibilités de copie sont valides, à condition que les consommateurs soient avertis des seules gênes de lecture qu'elles peuvent susciter sur certains lecteurs.
On rappellera enfin qu'à l'occasion du débat organisé le 10 septembre 2003 par le Forum des droits sur l'internet sur le thème "Internet, menace ou opportunité pour l’industrie musicale?", le ministre de la culture et de la communication de l'époque, Jean-Jacques Aillagon s'était prononcé en faveur de la possibilité pour le consommateur de réaliser des copies de CD ou de morceaux de musique tout en reconnaissant qu'il était normal que le nombre de copies puissent être limité par les éditeurs pour se protéger des abus dont le secteur de l'industrie musicale est aujourd'hui l'objet.
La question de l'articulation de la copie privée et des mesures techniques de protection devrait être réglée par le législateur à l'occasion de la transposition en droit national de la directive "Société de l'Information" dont la première lecture du projet de loi de transposition, présenté le 12 novembre 2003 par le ministre de la culture, est prévue à l'Assemblée nationale cet été. Rappelons que la directive prévoit la validité de ces mesures et la répression des moyens permettant de les contourner. La parole est donc au législateur…
Le Tribunal de grande instance de Paris a validé, le 30 avril 2004, la présence d'une mesure technique de protection sur un DVD en limitant les possibilités de copie.
Le "droit" à la copie privée a, semble-t-il, vécu. Dans sa décision du 30 avril 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a en effet pour la première fois clairement validé les systèmes de protection anti-copie. Une mesure technique de protection peut donc valablement limiter les possibilités pour les acheteurs de produits équipés de celle-ci d'en réaliser des copies.
En l'espèce, un particulier s'était procuré le DVD du film de David Lynch, "Mulholland Drive" contenant une mesure de protection anti-copie bien que la jaquette du DVD ne le mentionnait pas. N'ayant pu réaliser une telle copie, il a donc assigné en justice, accompagné de l'association de défense des consommateurs UFC - Que Choisir, les sociétés Films Alain Sarde, Universal Pictures Video France et Studio Canal pour atteinte aux dispositions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Selon les demandeurs, cet article instituerait au profit de l'acquéreur d'une œuvre enregistrée un "droit à en faire une copie privée". Ils reprochaient également aux défendeurs le défaut d'information sur la présence du dispositif anti-copie.
Pour mémoire, l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce que "lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective".
S'agissant de ce qu'il qualifie "d'exception précisément circonscrite", le tribunal a rappelé que l’exercice de cette faculté de copie privée ne doit "pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de I’auteur". Il s'est appuyé à cet égard sur le fameux « test des trois étapes » qui ressort des dispositions de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (article 9-2), de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) du 15 avril 1994 (article 13), du Traité de I’OMPI sur le droit d’auteur du 20 décembre 1996 et de la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dite "directive Société de l'Information" (article 5 et 6) en cours de transposition dans notre droit interne.
Jusque là, les actions intentées par les associations de défense des consommateurs contre les maisons de disque sur la question des mesures techniques de protection n'avaient jamais conduit les tribunaux à se prononcer sur la validité de ces mesures. Ainsi, dans 2 décisions antérieures en date du 24 juin 2003 [Juriscom.net] (affaire relative au CD de l'album de Liane Foly "Au fur et à mesure") et du 2 septembre 2003 [Jurisom.net] (affaire relative au CD de l'album d’Alain Souchon "J’veux du Live"), le Tribunal de grande instance de Nanterre avait condamné les sociétés éditrices des CD protégés pour défaut d'information et pour vices cachés. Bien que les CD indiquaient la présence d'un dispositif technique limitant les possibilités de copie, aucune mention n'avertissait le consommateur sur les limitations éventuelles de lecture qu'elles pouvaient engendrer.
Sur la question du défaut d'information qui était une nouvelle fois soulevée par l'acquéreur d'un produit protégé, le tribunal a jugé que "si une information précise du consommateur sur l’impossibilité de réaliser une copie privée du DVD litigieux aurait pu figurer sur la jaquette de celui-ci, il demeure que ne constitue pas une caractéristique essentielle d’un tel produit la possibilité de le reproduire alors surtout qu’il ne peut bénéficier de l’exception de copie privée".
Ainsi, au regard de ces différentes décisions, il apparaît que les mesures techniques de protection limitant les possibilités de copie sont valides, à condition que les consommateurs soient avertis des seules gênes de lecture qu'elles peuvent susciter sur certains lecteurs.
On rappellera enfin qu'à l'occasion du débat organisé le 10 septembre 2003 par le Forum des droits sur l'internet sur le thème "Internet, menace ou opportunité pour l’industrie musicale?", le ministre de la culture et de la communication de l'époque, Jean-Jacques Aillagon s'était prononcé en faveur de la possibilité pour le consommateur de réaliser des copies de CD ou de morceaux de musique tout en reconnaissant qu'il était normal que le nombre de copies puissent être limité par les éditeurs pour se protéger des abus dont le secteur de l'industrie musicale est aujourd'hui l'objet.
La question de l'articulation de la copie privée et des mesures techniques de protection devrait être réglée par le législateur à l'occasion de la transposition en droit national de la directive "Société de l'Information" dont la première lecture du projet de loi de transposition, présenté le 12 novembre 2003 par le ministre de la culture, est prévue à l'Assemblée nationale cet été. Rappelons que la directive prévoit la validité de ces mesures et la répression des moyens permettant de les contourner. La parole est donc au législateur…
L'article L. 122-5 du Code de Propriété Intellectuelle (CPI) prévoit que lorsqu'une œuvre à été divulguée, son auteur ne peut en interdire les copies ou reproductions "strictement réservées à l'usage du copiste [c'est-à-dire, en principe, celui qui effectue la reproduction] et non destinées à une utilisation collective". Cette disposition est reprise par l'article 211-3 du même code pour les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. En vertu de cette exception, il est possible à tout un chacun par exemple de copier un film sur une cassette vidéo, un CD audio sur son disque dur, permettant à l'acquéreur légitime de jouir de l'œuvre comme il l'entend dans un cadre strictement personnel ou familial.
Cependant, l'avant-projet de loi relatif au "droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information" autorise les éditeurs, producteurs et fournisseurs de contenu à mettre en place des mesures techniques de protection, visant à empêcher la copie des œuvres dont ils sont titulaires sur certains supports ou à limiter le nombre de copies possibles.
Forum JDNet
Réagissez
Pour certains, cet avant-projet annonce la mort prochaine de la copie privée. Pour d'autre il aborde un problème complexe qui nécessite concertations et propositions. Ce texte, susceptible de modifications, doit être discuté une nouvelle fois le 8 janvier devant la "Commission copie privée" du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique.
1. Fondement de l'exception de copie privée
L'exception de copie privée telle qu'elle est envisagée par le Code de la propriété intellectuelle est issue des technologies existantes dans l'univers analogique. Pour justifier cette exception au monopole d'exploitation de l'auteur sur son œuvre, plusieurs arguments ont été traditionnellement avancés. D'une part, il n'est pas possible de contrôler l'usage d'une œuvre (et des copies qui en sont faites) dès lors qu'une personne jouit de cette œuvre dans sa sphère privée. D'autre part, le préjudice résultant de la copie privée est limité pour les ayants droit puisque la qualité de l'œuvre reproduite se dégrade par rapport à l'original.
Cependant, les justifications invoquées à l'appui de cette exception perdent de leur pertinence dans l'environnement numérique. L'original et la "copie numérique" sont d'une qualité identique et des mesures techniques empêchant la reproduction peuvent aisément être mises en place. Aussi, d'autres fondements ont été avancés pour justifier la copie privée: liberté d'expression, nécessité d'information et de recherche, respect de la sphère privée de chaque personne…
2. Exception de copie privée ou droit à la copie privée ?
Peut-on considérer que l'utilisateur d'une œuvre dispose d'un "droit à la copie privée" ? La question est toujours controversée. Les associations de consommateurs estiment que la copie privée est un "droit reconnu aux consommateurs" qui, en tant qu'acquéreurs et utilisateurs, doivent pouvoir utiliser librement l'œuvre dans l'intimité de leur foyer. En revanche, certains auteurs estiment que la copie privée est une tolérance, ou tout au plus une exception au monopole de l'auteur, qui trouve sa limite dès lors qu'elle porte atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ou cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Les producteurs et les éditeurs se rangent volontiers derrière cette analyse…
Les textes internationaux relatifs au droit d'auteur ne qualifient pas l'exception de copie privée comme un "droit". Ainsi, la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information parle de "faculté" pour les Etats membres de prévoir une exception de copie privée.
3. L'avant-projet de loi remet-il en cause le principe de la copie privée ?
La disposition la plus critiquée figure à l'article 8 alinéa 1 de l'avant-projet. Elle prévoit que "l'auteur d'une œuvre autre qu'un logiciel, l'artiste-interprète, le producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, l'entreprise de communication audiovisuelle peut mettre en place des mesures techniques de protection des droits qui leur sont reconnus par les livres I et II [du CPI]". Cette faculté est également offerte au producteur de bases de données (article 18) mais curieusement pas aux éditeurs de logiciels.
L'avant-projet ajoute un important arsenal répressif qui transpose presque mot pour mot la directive du 22 mai 2001 et assimile au délit de contrefaçon (dont la sanction peut aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende) le fait de "porter atteinte, en connaissance de cause, à toute technologie, produit, appareil, dispositif, moyen, service ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à permettre le contrôle de l'utilisation de l'œuvre". Ce même article interdit de fabriquer, d'importer, de détenir en vue de la vente, ou de faire connaître directement ou indirectement tout service, information ou moyen en vue de contourner une mesure technique de protection.
D'aucuns estiment que l'avant-projet de loi empêche pratiquement les utilisateurs de procéder à des copies privées. Pourtant, l'avant-projet de loi ne supprime cette exception. L'alinéa 2 de l'article 8 précise que les mesures de protection "doivent permettre aux bénéficiaires des exceptions prévues au deuxièmement (…) de l'article L. 122-5, [et] au deuxièmement (…) de l'article L. 211-3 d'en jouir lorsqu'il a un accès licite à l'œuvre". Cette disposition signifie que les dispositifs anti-copie ne doivent pas empêcher l'utilisateur légitime d'une œuvre de réaliser une copie privée dans les conditions prévues par la loi. L'exception de copie privée n'est donc pas supprimée dans son principe et l'acquéreur d'une œuvre aura toujours la faculté de reproduire celle-ci par d'autres moyens que ceux qui sont prohibés par l'auteur (enregistrement analogique d'une version numérique ou l'inverse…).
4. Dans quelles conditions les mesures de protection seront elles acceptables pour les particuliers ?
L'avant-projet n'indique pas quelles seront les restrictions d'utilisation qui pourront être apportées par les mesures techniques de protection, ni comment le particulier sera informé de ces restrictions.
Si l'objectif du texte doit être de réaliser un équilibre entre mesures techniques de protection (qui limitent le préjudice des ayants droit lié aux contrefaçons) et bénéfice l'exception de copie privée, aucune réponse précise n'est apportée à ces questions. L'avant-projet de loi confie cette délicate mission au juge et précise de façon laconique que "le juge peut prescrire (…) toutes mesures de nature à assurer le bénéfice des exceptions" (art. 8 dernier alinéa). Cependant, il n'est pas certain que cette solution soit la plus adaptée. Il aurait été préférable que le législateur édicte les critères permettant d'assurer cet arbitrage plutôt que de s'en remettre à la seule appréciation du juge…
Les mesures techniques de protection risquent cependant d'être mal acceptées par les consommateurs et de les induire en erreur s'il n'ont pas été suffisamment informés. Aussi, les producteurs et les éditeurs ont tout intérêt à mettre en garde l'acheteur d'une œuvre si celle-ci ne peut pas être lue ou copiée sur certains supports. Ils devront informer les utilisateurs, de façon apparente, compréhensible, et en français, des éventuelles restrictions. A défaut, les producteurs, éditeurs, et fournisseur de contenus risquent d'engager leur responsabilité civile et pénale notamment sur le fondement de l'article L 111-1 du Code de la consommation.
Conclusion : quel est l'avenir de la rémunération pour copie privée avec la mise en place des mesures techniques de protection ?
La loi du 17 juillet 2001 étend le mécanisme de rémunération pour copie privée à l'ensemble des supports numériques. Ainsi, lorsqu'un particulier achète un CD vierge, il paye une redevance sur chaque CD (0,56 euros). Cette somme est destinée à compenser le préjudice subi par les ayants droit du fait de l'impossibilité technique de contrôler la copie de leurs œuvres. Ces redevances devraient rapporter aux ayants droit 150 millions d'euros sur l'année 2002.
En principe, le taux des redevances devraient être revus à la baisse voire supprimés si les dispositifs de protection empêchent l'utilisateur de réaliser certaines copies. L'avant-projet de loi n'aborde pas ce point délicat, et il n'est pas certain que les éditeurs et producteurs acceptent de renoncer à tout ou partie de cette rémunération substantielle…
Cependant, l'avant-projet de loi relatif au "droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information" autorise les éditeurs, producteurs et fournisseurs de contenu à mettre en place des mesures techniques de protection, visant à empêcher la copie des œuvres dont ils sont titulaires sur certains supports ou à limiter le nombre de copies possibles.
Forum JDNet
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Pour certains, cet avant-projet annonce la mort prochaine de la copie privée. Pour d'autre il aborde un problème complexe qui nécessite concertations et propositions. Ce texte, susceptible de modifications, doit être discuté une nouvelle fois le 8 janvier devant la "Commission copie privée" du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique.
1. Fondement de l'exception de copie privée
L'exception de copie privée telle qu'elle est envisagée par le Code de la propriété intellectuelle est issue des technologies existantes dans l'univers analogique. Pour justifier cette exception au monopole d'exploitation de l'auteur sur son œuvre, plusieurs arguments ont été traditionnellement avancés. D'une part, il n'est pas possible de contrôler l'usage d'une œuvre (et des copies qui en sont faites) dès lors qu'une personne jouit de cette œuvre dans sa sphère privée. D'autre part, le préjudice résultant de la copie privée est limité pour les ayants droit puisque la qualité de l'œuvre reproduite se dégrade par rapport à l'original.
Cependant, les justifications invoquées à l'appui de cette exception perdent de leur pertinence dans l'environnement numérique. L'original et la "copie numérique" sont d'une qualité identique et des mesures techniques empêchant la reproduction peuvent aisément être mises en place. Aussi, d'autres fondements ont été avancés pour justifier la copie privée: liberté d'expression, nécessité d'information et de recherche, respect de la sphère privée de chaque personne…
2. Exception de copie privée ou droit à la copie privée ?
Peut-on considérer que l'utilisateur d'une œuvre dispose d'un "droit à la copie privée" ? La question est toujours controversée. Les associations de consommateurs estiment que la copie privée est un "droit reconnu aux consommateurs" qui, en tant qu'acquéreurs et utilisateurs, doivent pouvoir utiliser librement l'œuvre dans l'intimité de leur foyer. En revanche, certains auteurs estiment que la copie privée est une tolérance, ou tout au plus une exception au monopole de l'auteur, qui trouve sa limite dès lors qu'elle porte atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ou cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Les producteurs et les éditeurs se rangent volontiers derrière cette analyse…
Les textes internationaux relatifs au droit d'auteur ne qualifient pas l'exception de copie privée comme un "droit". Ainsi, la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information parle de "faculté" pour les Etats membres de prévoir une exception de copie privée.
3. L'avant-projet de loi remet-il en cause le principe de la copie privée ?
La disposition la plus critiquée figure à l'article 8 alinéa 1 de l'avant-projet. Elle prévoit que "l'auteur d'une œuvre autre qu'un logiciel, l'artiste-interprète, le producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, l'entreprise de communication audiovisuelle peut mettre en place des mesures techniques de protection des droits qui leur sont reconnus par les livres I et II [du CPI]". Cette faculté est également offerte au producteur de bases de données (article 18) mais curieusement pas aux éditeurs de logiciels.
L'avant-projet ajoute un important arsenal répressif qui transpose presque mot pour mot la directive du 22 mai 2001 et assimile au délit de contrefaçon (dont la sanction peut aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende) le fait de "porter atteinte, en connaissance de cause, à toute technologie, produit, appareil, dispositif, moyen, service ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à permettre le contrôle de l'utilisation de l'œuvre". Ce même article interdit de fabriquer, d'importer, de détenir en vue de la vente, ou de faire connaître directement ou indirectement tout service, information ou moyen en vue de contourner une mesure technique de protection.
D'aucuns estiment que l'avant-projet de loi empêche pratiquement les utilisateurs de procéder à des copies privées. Pourtant, l'avant-projet de loi ne supprime cette exception. L'alinéa 2 de l'article 8 précise que les mesures de protection "doivent permettre aux bénéficiaires des exceptions prévues au deuxièmement (…) de l'article L. 122-5, [et] au deuxièmement (…) de l'article L. 211-3 d'en jouir lorsqu'il a un accès licite à l'œuvre". Cette disposition signifie que les dispositifs anti-copie ne doivent pas empêcher l'utilisateur légitime d'une œuvre de réaliser une copie privée dans les conditions prévues par la loi. L'exception de copie privée n'est donc pas supprimée dans son principe et l'acquéreur d'une œuvre aura toujours la faculté de reproduire celle-ci par d'autres moyens que ceux qui sont prohibés par l'auteur (enregistrement analogique d'une version numérique ou l'inverse…).
4. Dans quelles conditions les mesures de protection seront elles acceptables pour les particuliers ?
L'avant-projet n'indique pas quelles seront les restrictions d'utilisation qui pourront être apportées par les mesures techniques de protection, ni comment le particulier sera informé de ces restrictions.
Si l'objectif du texte doit être de réaliser un équilibre entre mesures techniques de protection (qui limitent le préjudice des ayants droit lié aux contrefaçons) et bénéfice l'exception de copie privée, aucune réponse précise n'est apportée à ces questions. L'avant-projet de loi confie cette délicate mission au juge et précise de façon laconique que "le juge peut prescrire (…) toutes mesures de nature à assurer le bénéfice des exceptions" (art. 8 dernier alinéa). Cependant, il n'est pas certain que cette solution soit la plus adaptée. Il aurait été préférable que le législateur édicte les critères permettant d'assurer cet arbitrage plutôt que de s'en remettre à la seule appréciation du juge…
Les mesures techniques de protection risquent cependant d'être mal acceptées par les consommateurs et de les induire en erreur s'il n'ont pas été suffisamment informés. Aussi, les producteurs et les éditeurs ont tout intérêt à mettre en garde l'acheteur d'une œuvre si celle-ci ne peut pas être lue ou copiée sur certains supports. Ils devront informer les utilisateurs, de façon apparente, compréhensible, et en français, des éventuelles restrictions. A défaut, les producteurs, éditeurs, et fournisseur de contenus risquent d'engager leur responsabilité civile et pénale notamment sur le fondement de l'article L 111-1 du Code de la consommation.
Conclusion : quel est l'avenir de la rémunération pour copie privée avec la mise en place des mesures techniques de protection ?
La loi du 17 juillet 2001 étend le mécanisme de rémunération pour copie privée à l'ensemble des supports numériques. Ainsi, lorsqu'un particulier achète un CD vierge, il paye une redevance sur chaque CD (0,56 euros). Cette somme est destinée à compenser le préjudice subi par les ayants droit du fait de l'impossibilité technique de contrôler la copie de leurs œuvres. Ces redevances devraient rapporter aux ayants droit 150 millions d'euros sur l'année 2002.
En principe, le taux des redevances devraient être revus à la baisse voire supprimés si les dispositifs de protection empêchent l'utilisateur de réaliser certaines copies. L'avant-projet de loi n'aborde pas ce point délicat, et il n'est pas certain que les éditeurs et producteurs acceptent de renoncer à tout ou partie de cette rémunération substantielle…
- laurent_Juillet
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YuHirà???
Ouuuu est tuuuuu????
Je ne me prononcerais pas tant que YuHirà n'auras pas parlé!!!
++
Leob
Et pour dériver un peu du topic...Et pour produire un 'tit groupe de pop rock, mon coeur balance entre laisser des titres à dispo sur internet (quel vecteur de comm tout de même!!!) et ne pas le faire...parce que bon c'est bien le libre accès...mais avec quels sous je vais payer le 2éme opus de mes loulous si tout le monde télécharge sur internet???
Ouuuu est tuuuuu????
Je ne me prononcerais pas tant que YuHirà n'auras pas parlé!!!
++
Leob
Et pour dériver un peu du topic...Et pour produire un 'tit groupe de pop rock, mon coeur balance entre laisser des titres à dispo sur internet (quel vecteur de comm tout de même!!!) et ne pas le faire...parce que bon c'est bien le libre accès...mais avec quels sous je vais payer le 2éme opus de mes loulous si tout le monde télécharge sur internet???
- laurent_Juillet
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Je vois où tu veux en venir, ADSR.> Selon les demandeurs, cet article instituerait au profit de l'acquéreur d'une œuvre enregistrée un "droit à en faire une copie privée".
1) il s'agit d'une interprétation de la loi par les demandeurs. Ce n'est qu'un moyen soulevé par l'avocat de la partie demanderesse: aucune valeur juridique. Je pense que cette précision est, soit un signe d'ignorance de la part de l'avocat (comme je l'ai déjà dit sur Zikinf, beaucoup d'avocats défendent des personnes dans un domaine qu'ils connaissent mal ou peu voire pas du tout.Cela va changer dans peu de temps d'ailleurs), soit d'une stratégie.
2) "Là où la loi ne distingue pas il n'y a pas lieu de distinguer". Comme je te l'ai dit ADSR, rien dans la disposition de loi n'interdit la copie privée d'un oiginal que l'on ne possède pas, puisqu'au final notre copie n'est pas destinée à une fin collective.
Pas conséquent et je suis désolé d'insister, ADSR: si on s'en tient à la loi une copie privée n'exige pas la possession de l'oeuvre originale par le copiste.
Pour les autres qui n'en sont pas convaincu: pensez à la photocopie d'un livre de bibliothèque.
Des correctifs ont d'ailleurs été apportés afin d'éviter un préjudice pour l'auteur: la "rémunération pour copie privée", prévue par le Code.
Il est logique que cette rémunération disparaisse si la copie privée disparait.
C'est bien tout le problème. Toute la législation actuelle n'est en faveur que des producteurs et des éditeurs, et non pas des auteurs (les lobbies, comme tjs). Les auteurs sont les véritables lésés. Ils ne sont pas vraiment pris en compte.> les éditeurs et producteurs acceptent de renoncer à tout ou partie de cette rémunération substantielle…
Le projet de loi de 2003 exige une origine licite (accès licite à l'oeuvre, cité opar ADSR: un emprunt en médiathèque est licite!!!), mais cela ne change rien en ce qui concerne les CDs empruntés. En revanche ce projet de loi remet en cause la mise à disposition de mp3 sur Internet. Et encore...
Une partie de la doctrine (Gaudrat par exemple) considère que la diffusion de MP3 sur Internet est une "représentation" de l'oeuvre (le fait est que lorsqu'on télécharge, on opère une télétransmission par paquets, et non pas une copie pure et simple). On effectue donc une copie privée licite, analogue à la captation des émissions TV par un magnétoscope. Mais cette théorie se heurte à l'impossibilité de prouver que le MP3 a été diffusé une seule fois et que ce MP3 n'est pas la captation d'un MP3 précédement diffusé sur Internet. Et de plus, un MP3 est aussi une copie privée. Par conséquent on est contraint d'adopter la doctrine opposée selon laquelle le système P2P est une exploitation par reproduction de l'oeuvre. Le MP3 est diffusé sur Internet: il s'agit donc d'une copie privée mise à la disposition d'une collectivité, ce qui est interdit (cf article).
2 fondements permettent de condamner la personne qui reproduit le MP3 disponible sur un réseau P2P: le recel, et le principe selon laquelle la fraude corrompt tout ("Fraus Omnia Corrumpit") et qui conduit à faire du MP3 final un produit contrefait, puisqu'il est réalisé à partir d'un fichier considéré comme étant une contrefaçon.
Voilà pour la théorie!
Le projet de loi ne change en fait pas grand chose à la loi déjà existante. Il permet juste de préciser dans la loi d'une manière détournée que le principe "Fraus Omnia Corrumpit" s'applique.
Ce n'est pas faux: l'absence d'information ne permet donc pas de dénoncer le contrat: c'est de bon sens et j'approuve cette argumentation, conforme aux bases du droit des contrats et au principe de consentement.> Sur la question du défaut d'information qui était une nouvelle fois soulevée par l'acquéreur d'un produit protégé, le tribunal a jugé que "si une information précise du consommateur sur l’impossibilité de réaliser une copie privée du DVD litigieux aurait pu figurer sur la jaquette de celui-ci, il demeure que ne constitue pas une caractéristique essentielle d’un tel produit la possibilité de le reproduire alors surtout qu’il ne peut bénéficier de l’exception de copie privée".
Cela dit: prudence: la décision a certainement fait l'objet d'un appel. Et l'arrêt de la cour d'appel peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
Cette décision n'a pas beaucoup de valeur pour l'instant.
Cette décision ne m'étonne d'ailleurs absolument pas. Elle n'est que l'application de la directive de 2001.
Mais ce qui est certain, c'est que cette validation des protections techniques doit avoir juridiquement cette conséquence (sinon la loi est remplie de contradiction):
- suppression de la rémunération pour copie privée (s'ils ne le font pas alors on pourra dire que le pouvoir politique est bien sous la coupe des producteurs).
- Suppression de la copie privée.
Cela veut dire plus de magnétoscopes, plus de baladeurs MP3, etc...!!!
Comme on est en pleine application du droit américain en droit français, on va finir par adopter ce principe anglo-saxon selon lequel la vente ou la mise à disposition d'un appareil permettant la contrefaçon (encodeur) est une contrefaçon. Autant vous dire que chers musiciens vous allez galérer pour faire connaitre vos oeuvres sur Internet!
Mais vous croyez vraiment que les industries vont renoncer au lecteur MP3, qui dope actuellement le marché et leurs bénéfices?
On est pleine hypocrisie, c'est moi qui vous les dit!
Les producteurs veulent le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière!!! un peu de cohérence que diable!!!!