je m'en vais vous narrer une de mes aventures récentes concernant un prémastering vinyl.
on m'a demandé l'an dernier de traiter le premier album d'un groupe de rock, destiné à sortir en vynil. j'étais un peu réticent, en raison de mon inexpérience dans ce domaine, mais le groupe et le (tout petit) label n'avaient pas les moyens de faire appel à un vrai studio de mastering capable de réaliser une gravure n'ayant plus qu'à passer à l'usine.
je récupère donc les mixes, en cd audio. j'avais réclamé à cor et à cris des wave (et 24 ou 32 bit si possible) sur un cd de données, mais l'ingé de mix (qui travaillait en 32 float) a refusé...
et là : l'horreur. si les prises sonnaient plutôt bien autant que je puisse en juger, le mixage était un désastre.
premier point : une ronflette électrique permanente à -20 dB FS. (!) de plus le mix avait été compressé pour avoir un niveau de cheval, ce qui compliquait considérablement la soustraction d'empreinte en faisant fluctuer le niveau de ce bruit de fond.
deuxième point : la compression en question, très exagérée, et de surcroit pompant allègrement.
et de trois : quasiment toute l'énergie concentrée sur le medium, peu de vrais aigus, et pas de graves, sauf la grosse caisse se pavanant toute seule dans le vide (ou plutôt, dans le buzz). une basse sans corps, sèche et plate.
quatre : un mix à la fois quasi mono et trop large : basse, voix, choeurs (!), grosse caisse, caisse claire, toms (!) pile au centre. seules les cymbales étaient en stéréo, ainsi que les guitares, mais celles -ci étaient d'une largeur invraisemblable, quasiment en oppo de phase. et ce, alors que le vynil était prévu dès le départ.
de plus, le groupe pratique un rock énergique, mais la plupart des morceaux contiennent des passages calmes, reggae, ska, voire disco, et là absolument rien n'avait été fait pour les mettre en valeur, ni même pour adapter le rendu à ces couleurs artistiques différentes.
bref, des gros grumeaux agglutinés à certains endroits du spectre et de l'espace dans un désert rempli de jolies harmoniques made in EDF ...
bon, je dis au groupe qu'il va falloir déployer des efforts considérables pour replâtrer et obtenir au mieux un résultat médiocre, que les prises ont l'air correct mais que le mix est au mieux une mise à plat avec effets baclée (tu métonnes : à ce que j'ai compris 8 morceaux expédiés en guère plus d'une demi-journée...), inexploitable pour un pressage vinyl, sans parler de ce buzz infâme dont l'éradication va certainement donner lieu à quantité d'effets secondaires.
ce qui semblait s'imposer à ce stade était de récupérer les enregistrements multipistes et de faire un mix décent. il s'est avéré impossible de récupérer ceux-ci.
résultat des courses : j'ai passé énormément de temps sur ce boulot. j'ai été obligé de resserrer la stéréo des guitares pour supprimer les hors phases, allant jusqu'à traiter séparément des micro-portions dont je n'aurais pu venir à bout autrement qu'en rendant tout le mix 100% mono.
bien sûr, tout cela a entraîné des altérations des timbres. idem pour la ronflette qui s'est révélée très récalcitrante sur certains passages (mais je m'attendais à pire). j'ai fait des suivis de niveau quasi microscopiques à n'en plus finir pour compenser un peu le pompage du compresseur, des automatisation d'eq à répétition pour donner du corps à la basse sur des passages calmes.
en gros, on m'a refilé un roti cru à moitié pourri que j'ai été contraint de transformer en steak haché pour qu'il soit plus ou moins utilisable.
la chose que j'ai réalisée a pu être pressée, la gravure a été faite à l'usine de pressage, audiblement sans trop de soin. le rendu déjà trop medium a encore été amputé dans le haut du spectre, les auditeurs se plaignent d'un manque de grave, mais les musiciens m'ont félicité pour avoir un peu regonflé et déterré une basse aplatie au delà du concevable, alors qu'elle joue un rôle déterminant dans l'expressivité du groupe.
ma réputation de secouriste pour enregistrements foireux a un peu augmenté dans le minuscule milieu économiquement défavorisé où je sévis. mais honnètement, je me serais bien passé de passer des semaines sur ce désastre. ce temps aurait été mieux employé à réaliser un vrai mix...
plus qu'un métier, un sacerdoce...